Je suis... (2) : un animal social

Notre vie relationnelle, affective et désirante est certes déterminée par notre génétique et par notre histoire, mais elle ne s'y résume pas. Nous sommes des animaux sociaux : nous vivons au sein de groupes, certains éphémères, d'autres durables – notre famille nucléaire ou élargie, les copains d'enfance, les collègues de bureau... Notre statut au sein de chacun de ces groupes joue un rôle considérable dans notre vie émotionnelle : il en détermine bien des hauts et des bas. Pourquoi ? Parce que notre relation au groupe est profondément imprégnée de ce que pouvait être, il y a des milliers d'années, la relation de nos lointains ancêtre à leur clan : une relation où il est littéralement question de vie et de mort à chaque instant.

Rappelons-nous que notre système émotionnel - qui nous fait ressentir peur, colère, tristesse, etc. - est apparu, dans l'évolution du vivant, à une époque extrêmement lointaine. Comme nous, les mouches et les araignées éprouvent la peur ! C'est dire si ce système a sa propre histoire, et sa propre inertie. Nous avons beau habiter dans une société moderne où, en principe, chacun peut gagner sa vie, être autonome et compter sur les institutions et la loi pour le protéger, notre système émotionnel "voit" le monde sous un angle beaucoup plus archaïque : pour lui, tout n'est que dangers, ressources, alliés, ennemis, pouvoir ou soumission au chef. Ce système, chargé avant tout d'assurer notre sécurité, s'est forgé et perfectionné à une époque où, pour un être humain, être chassé du clan impliquait à court terme une mort certaine.

C'est pourquoi nous sommes en permanence à l'affût des signes de notre plus ou moins bonne place dans... "le clan" : notre sécurité au sens vital du terme en dépend ! C'est du moins ce que croient et nous font vivre nos émotions. Ainsi, notre cœur peut s'affoler tout à coup, comme si nous allions "mourir", juste parce que nous nous apprêtons à demander une augmentation à notre patron, ou encore à prendre la parole en public ; ainsi encore, une remarque légèrement désagréable d'une collègue peut nous empêcher de dormir toute une nuit ; ou encore, un harcèlement ordinaire pourra induire une souffrance morale si vive qu'elle conduira certaines personnes fragiles au suicide. Les souffrances relationnelles, soumises à notre mémoire clanique, sont intenses, souvent hors de proportion avec des dangers réels. Les reconnaître et les analyser permet de les ramener à de justes proportions, sans méconnaître les signaux d'alerte très précieux qu'elles nous envoient parfois. Le but du jeu étant, à terme, de devenir un individu libre et entier, maître de soi-même – c'est-à-dire, dans le langage archaïque que parlent nos émotions, un chef de son propre clan.

Ici, on pense et soigne notre relation au monde et aux autres non plus (seulement) du point de vue de nos conditionnements passés mais surtout du point de vue de leur dynamique présente. Toute relation est la rencontre entre deux inconscients - pas seulement notre inconscient "humain", mais aussi notre inconscient animal, celui qui porte toutes sortes d'instructions concernant notre survie personnelle aussi bien que la survie de l'espèce.

Appréhender notre éthologie humaine est un puissant facteur de résilience et permet de choisir avec plus de liberté les "jeux" sociaux que nous aimons et souhaitons jouer et ceux dont nous voulons nous affranchir.

Les approches thérapeutiques appropriées à cette dimension de notre être sont les approches systémiques, qui appréhendent toujours les individus comme les membres d'un système qu'on s'attache alors à observer et modifier ; l'analyse transactionnelle est également d'une aide considérable pour comprendre et déjouer les dynamiques désagréables ou toxiques à l'oeuvre dans les relations humaines ; enfin la paléothérapie, une méthode innovante que j'ai contribué à créer, permet de mieux faire dialoguer notre être émotionnel et notre être mental afin de trouver des chemins d'action propre à apaiser et réconcilier toutes les voix qui parfois se disputent en nous au point de nous transformer en un pathétique champ de bataille !